Herméneutique de l'imposture
"Il y a des jours où je pense que je vais mourir d'une overdose d'autosatisfaction."
Salvador Dali
En Mars 1984, General Idea réalise la performance suivante au Mamco, trois faux caniches sont trempés dans de l'IKB puis frottés sur des toiles blanches en diagonale, formant ainsi des croix. Loin d'un geste iconoclaste vis à vis de l'oeuvre prolifique et bleuté d'Yves Klein, il s'agissait surtout de s'attaquer à la figure de l'artiste, mythologique, intouchable et sacrée. Mathieu Simon s'intéresse à ces postures artistiques, a ces histoires mythiques autour des artistes qui bien souvent se sont mis eux-mêmes en scène apôtres de chapelles artistiques.
Trublion sémiotique, il s'agit avant tout pour lui de relever au travers des écrits et des expositions le dehors des grandes histoires, les petites contrariétés qui font vaciller la figure tutélaire et monumentale. Ses cibles privilégiées ? Klein, Beuys mais aussi les processus artistiques, qui du medium à la technique de réalisation en passant par le dispositif d'exposition lui même sont autant de prétextes à faire vaciller nos connaissances et nos visions (respectueuses) face aux oeuvres et aux artistes.
Cependant c'est bien souvent sur le terrain de l'ironie et du ridicule que son oeuvre se déploie, opérant ainsi, une fois l'hilarité passée, à une critique légère réintroduisant l'absurde dans le trop sérieux de ces totems artistiques. De natures diverses (de la sculpture à la vidéo en passant par la peinture, ses oeuvres ont néanmoins un point commun: le titre qui se compose toujours du préfixe sans titre auquel vient s'ajouter entre parenthèses un sous titre prosaïque, désamorçant, dès le cartel le trop sérieux de l'oeuvre d'art. Ainsi là où le néon, medium post-moderne emblématique d'une époque servant la plupart du temps de support à d'injonctifs messages sur l'art, l'artiste ou la vie en général, il est ici support d'un message autoréférenciel au médium et à l'artiste et également citation d'une réplique culte d'un film de Stanley Kubrick, autre mythe du cinéma... Dans un autre travail, il propose une relecture de la vie de Beuys – autre figure tutélaire de l'art – constatant le fantasme romancé d'un événement de la vie de l'artiste: le crash de son avion pendant la guerre. Il imagine ainsi une production d'oeuvres parallèles reprenant les justification de Beuys mais en changeant le lieu du crash et les matériaux utilisés à partir de cet événement.
De ces explorations dans le monde de l'art, Mathieu Simon rapporte des carnets de notes, répertoire d'idées qui murissent avec le temps, s'annulent ou s'assemblent pour un jour devenir oeuvre, prétexte à de nouvelle histoires (de l'art). C'est dans ce décentrement que s'exprime les différents niveaux de lecture de ses oeuvres. Tour à tour faussaire fantasque ou simple révélateur du grotesque mythologique de l'histoire de l'art, Mathieu Simon, saborde nos croyances avec légèreté et poésie nous invitant à revoir nos jugements, à ébranler les fondations des monuments.
Pierre Malachin